La littératie financière des aînés : l’impact du vieillissement et soutien des professionnels en sciences de la consommation
Identifiée comme une priorité dans plusieurs pays au milieu des années 1990, l’éducation financière fait partie des éléments clés pour assurer le bon fonctionnement de la société canadienne. La littératie financière fait référence non seulement à la notion de connaissances sur les finances personnelles, mais également aux notions de compétences, de confiance en soi et de décisions en matière de finances responsables, et ce, de manière à faire des choix optimaux. Pour y parvenir, plusieurs ressources informationnelles et humaines existent. D’ailleurs, parmi ces ressources, la force distinctive des programmes en sciences de la consommation est de former des professionnels capables d'occuper diverses fonctions visant à contribuer au bien-être de tous les consommateurs.
Le présent billet s’intéresse aux personnes en « âge normal » de prendre leur retraite, soit les personnes âgées de 65 ans et plus. Selon les différentes sources de données, les revenus des retraités semblent permettre un niveau de vie relativement confortable au Québec. Le taux de pauvreté des aînés québécois, historiquement bas en 2015 (5,9%), continuera de chuter dans les prochaines années, notamment grâce à l’augmentation du niveau de scolarité, à l’épargne complémentaire et aux différents programmes d’aide du gouvernement. En revanche, le niveau d’endettement lui, est plutôt dans une tendance haussière. Considérant que plusieurs aînés sont à l’étape du décaissement de l’épargne et non de l’accumulation, la vigilance est de mise, car ils sont loin d’être à l’abri des difficultés financières liées à l’endettement. Bien que de façon générale la majorité des seniors semblent posséder des actifs suffisants pour subvenir à leurs besoins, encore faut-il qu’ils soient en mesure d’assurer une gestion efficace de leurs finances afin de les faire perdurer dans le temps.
Le vieillissement implique des enjeux préoccupants en lien avec la gestion des finances et la littératie financière. En effet, le niveau de littératie financière chez les aînés tend à diminuer de manière constante après l’âge de 60 ans. La littérature relate que le score de littératie financière passe d’une moyenne de 62% entre 60 et 69 ans, à 49% entre 70 et 79 ans et diminue à 32% chez les 80 ans et plus. L’enquête internationale de l’Organization for Economic Co-operation and Development sur la culture financière des adultes soutient des propos semblables, rapportant que les séniors ont des notes de culture et de bien-être financier plus basses que la moyenne des autres groupes d’âge dans pratiquement tous les pays. De plus, il semblerait que 56,7% des gens âgés de plus de 50 ans se disent eux-mêmes moins aptes à comprendre leurs finances personnelles que lors des années précédentes.
L’importance de se pencher sur le sujet de la littératie financière provient notamment du fait que cette diminution de la littératie financière peut mener à de moins bonnes prises de décisions financières et qu’un niveau de littératie insuffisant augmente le risque de subir des pertes monétaires pouvant causer des problèmes de subsistance à la retraite. Le sujet semble particulièrement intéressant à étudier considérant le fait que le Québec accuse un retard important par rapport au reste du Canada en matière de littératie financière. Un autre élément préoccupant en lien avec cette problématique chez les aînés concerne le risque accru d’abus financiers. En effet, les lacunes en littératie financière rendent les aînés plus vulnérables à l’exploitation financière et aux différents crimes d’abus.
La difficulté à prendre des décisions financières optimales chez les gens d'un âge avancé peut, entre autres, s’expliquer par le déclin des capacités cognitives et cela peut les mener à utiliser des approches décisionnelles moins optimales ainsi qu’à faire des choix aléatoires dans leur résolution de problèmes financiers. Ces difficultés viennent donc impacter la gestion des finances personnelles et compromettent les aptitudes à faire les meilleurs choix. Un autre des grands enjeux qui peut impacter les séniors concerne les risques d’abus et autres crimes financiers. Malgré le fait que toute personne puisse éventuellement être victime de fraude, les gens âgés sont plus susceptibles d’en être la cible. En effet, les pertes cognitives peuvent créer un obstacle à la reconnaissance et à l’identification des signes d’abus, ce qui contribue également à l’augmentation de la vulnérabilité.
Les risques de fraude et l’exploitation financière sont également certains changements qui peuvent survenir au niveau affectif chez les personnes âgées. Le Comité national d’éthique sur le vieillissement rapporte que 19,4% des Québécois âgés de 65 ans et plus ont le sentiment d’être délaissés ou isolés. Cet isolement social est considéré comme un facteur clé dans les risques d’exploitation et de maltraitance des aînés. Les malfaiteurs profitent de l’isolement, du manque de soutien et de la solitude de ces personnes pour combler leur besoin de contacts humains en manipulant leurs sentiments pour les abuser par la suite. La maltraitance financière peut prendre plusieurs formes et les fraudeurs savent se montrer créatifs. L’arnaque amoureuse, l’arnaque des grands-parents et le chantage affectif sont des exemples d’exploitation financière dans lesquels les escrocs jouent sur les sentiments des aînés, afin de leur soutirer leur argent. Les arnaqueurs qui ciblent les personnes âgées utilisent des techniques visant notamment à créer un sentiment de dépendance émotionnelle, ce qui rend les victimes plus faciles à contrôler. La vulnérabilité affective de ces personnes a donc un impact sur leur niveau de littératie financière, puisque cela les amène à prendre des décisions financières inadéquates à leur situation.
Parmi les solutions pour prévenir et limiter les conséquences reliées aux changements cognitifs et affectifs des personnes âgées, l’accompagnement et l’éducation sont sans contredit des éléments à considérer. C’est d’ailleurs ce à quoi s’attendent les retraités de la part de leur institution financière. Cela étant dit, il semble primordial que les professionnels du domaine financier reconnaissent à cette clientèle sa juste valeur et qu’ils investissent le temps nécessaire à sa prise en charge. Un suivi annuel systématique pourrait, par exemple, être instauré, afin que cette clientèle soit contactée et que leurs besoins soient pris en charge. Cette prise en charge devrait également inclure un volet sur la surveillance et la prévention, afin de déceler, en amont, les facteurs démontrant un risque plus élevé de vulnérabilité à la fraude. Enfin, un accompagnement accru, incluant l’éducation nécessaire au renforcement de la littératie financière, serait certainement bénéfique à la prise de bonnes décisions en matière de finances et permettrait également d’aider à prévenir les conséquences liées à la fraude et l’exploitation financière.
Ressources pertinentes pour soutenir les consommateurs en matière de littératie financière :
Mélissa Desrochers
Étudiante au baccalauréat en sciences de la consommation
Département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation