Avez-vous l'esprit de Noël?
Vous avez sûrement remarqué les décorations de Noël qui sont arrivées dans les magasins, les revues qui nous font découvrir tous les mystères d'une maison du temps des fêtes parfaitement décorée!
Avec les réjouissances, viennent parfois certaines situations stressantes: que vais-je acheter à 'matante Bisoux-à-pincettes' qui nous reçoit à Noël? Que vais-je préparer pour le souper du réveillon? Et surtout: comment vais-je faire pour payer tout ça?
Vous me voyez venir, mais je vous réserve une surprise! Vous croyez sûrement que je vais entrer dans le sujet de la société de consommation qui nous fait dépenser (sic) entre 650 $ et 780 $ (selon la source), dont environ les 2/3 sont consacrés aux cadeaux et l'autre tiers pour tout ce qui entoure cette période du temps des fêtes, tels que les vêtements pour les soirées spéciales ou les repas.
Je pourrais aussi vous parler de la tendance des Québécois à acheter de plus en plus en ligne, le montant total des achats via commerce électronique qui augmentera de 34 % dans la prochaine année. Et cette tendance est meurtrière pour notre économie, puisque ces achats sont effectués directement aux États-Unis plutôt qu’en territoire canadien.
Et puisque mon doctorat porte sur le crédit à la consommation, vous êtes persuadés que je vais vous rapporter des statistiques sur l'endettement suivant le temps des fêtes. Par exemple, une enquête publiée en 2012 rapportait que 12 % des Québécois prévoyaient s’endetter pour le temps des fêtes. Est-ce qu’une majorité se voile les yeux ou est-ce réaliste? Ce serait une question à se poser, à un autre moment, car j’ai plutôt décidé de ne pas vous présenter ces statistiques (!) mais d’aborder la venue du temps des fêtes sous un angle différent.
Étant une enfant éternelle, lunatique et, disons, romantique, je dois avouer que j'adoooore le temps des fêtes. Il y a toujours cette petite flamme qui vibre en moi quand les premières chansons de Noël sont captées par mes oreilles. C'est avec un sourire béat que je contemple les décorations de Noël. Et je ne vous parle pas de mon état hypnotique lorsque les premiers flocons de neige se déposent sur le sol. Et oui, je pense bien avoir l'esprit de Noël!
Mais ai-je l'esprit de Noël plus ou moins fort comparativement à vous? Comment peut-on le déterminer? La passionnée d'instruments de mesure en moi a effectué une recherche dans la littérature scientifique pour savoir ce qui en était et devinez quoi? Il existe un outil mesurant l'esprit de Noël (Christmas spirit). Le domaine de la mesure est si fascinant et...partout!
Habituellement, on entend parler de l’esprit de Noël en des termes tels que générosité, altruisme, bienveillance et dons. Dans notre culture occidentale, Noël est constitué d’un rituel entourant l’échange de cadeaux. On reconnait une personne au fort esprit de Noël lorsque celle-ci fait des achats dans le but de participer aux activités du temps des fêtes. Acheter des décorations, faire l’épicerie pour un repas en famille, se procurer des vêtements chics pour la soirée de Noël avec les gens du boulot, acheter les cadeaux et les emballages ne sont que quelques exemples de ces achats.
Toutes ces activités de consommation sont d’un grand intérêt pour les chercheurs. Les consommateurs ont des habitudes très différentes en cette période et il est incontournable de bien comprendre quelles différences cela provoque dans leurs comportements. Pour répondre à cet objectif, un instrument mesurant l’esprit de Noël est tout indiqué et c’est ce qu’un chercheur de l’Australie a fait. Quand on veut construire un instrument de mesure, la première étape est de savoir exactement ce que l’on veut mesurer. Dans ce cas-ci, deux concepts sont importants à définir : Noël et esprit de Noël.
Avant d’aller plus loin, je veux souligner que je présente ces concepts à travers une lentille de consommation. Je n’enlève aucunement le caractère religieux, familial ou altruiste de la fête. Toutefois, sur un blogue dédié à la consommatique, j’espère que vous ne serez pas choqué que je parle de cette fête en des termes dédiés au monde de la consommation.
La consommation permet de satisfaire une multitude de besoins de base, culturels, sociaux ou en lien avec la personnalité (par exemple la recherche d’identité). Culturellement parlant, la consommation permet aux consommateurs d’exprimer qui ils sont, de se connecter à la société et de renforcer des liens avec d’autres personnes. L’action de consommer (attention! Je ne parle de consommer des punchs de Noël mais de consommer des biens et des services) peut amener des sentiments de joie et de plaisir semblables à ceux vécus durant la période des fêtes. J’ai conscience que pour certaines personnes, Noël n’est pas nécessairement synonyme de réjouissances, mais je vous rappelle que je suis une enfant éternelle, qui porte des lunettes roses en forme de cœur avec de petits diamants. Ce qu’il y a à retenir c’est que la période des fêtes suscite des émotions, tout comme l’acte de consommer, et que cet acte a une fonction : celle de satisfaire des besoins. On pourrait ainsi définir Noël comme une occasion de consommer guidée par le désir de satisfaire des besoins et guidée par des émotions.
Qu’en est-il de l’esprit de Noël? En fait, l’auteur compare l’esprit de Noël avec l’attitude. En effet, on peut dire d’une personne ayant un fort esprit de Noël qu’elle a une attitude favorable envers cette fête. Et l’attitude étant composée de deux dimensions, il en est de même pour l’esprit de Noël. J’aimerais mettre un petit bémol ici. Pour les chercheurs qui lisent ces lignes, je vous ai vu faire une grimace. Pour plusieurs d’entre vous qui ont lu plus en profondeur sur le concept d’attitude, on lui reconnait non pas deux mais trois dimensions : cognitive, affective et comportementale. Toutefois, l’auteur de l’instrument mesurant l’esprit de Noël a décidé, volontairement ou non, de faire fi de la dimension comportementale.
Ainsi, l’auteur définit l’esprit de Noël comme un amalgame de sentiments de bonhomie, de découragement et d’abandonnement à la gaieté combinés à des activités rituelles et au magasinage de Noël. Mais d’où sort cette définition? Pourquoi ces trois sentiments en particulier? En fait, l’auteur s’est inspiré de deux instruments de mesure déjà existants, l’un mesurant l’affect et l’autre mesurant la cognition à l’égard de Noël.
Le premier instrument mesure les sentiments (affect) à l’égard de Noël. Les 23 questions débutent par Noël me fait sentir... , qui sont suivies de différents sentiments de joie (excité ou sentimental) ou de tristesse (irrité ou désappointé). Les trois sentiments retenus découlent d’une analyse factorielle. Ce type d’analyse permet le regroupement de plusieurs sentiments ayant un point commun dans un sous-groupe.
Ainsi, les sentiments de tristesse se regroupent sous la même étiquette : découragement. Les sentiments de joie se subdivisent en deux sous-groupes : bonhomie et abandonnement à la gaieté.
Le deuxième instrument mesure les jugements envers les traditions de Noël et autres activités liées à Noël tel que le magasinage de Noël. Il contient huit questions demandant si la personne suit les traditions de Noël, par exemple : J’aime le magasinage de Noël; Je suis fortement attaché à toutes les traditions de Noël.
La fusion de ces deux instruments permet donc de mesurer l’esprit de Noël selon les deux dimensions reconnues par l’auteur : l’affect et la cognition. Cet instrument est pratique pour aider à comprendre et prédire les motivations à donner des cadeaux. Je pourrais même ajouter qu’en combinant cette mesure de l’esprit de Noël à d’autres concepts tels que le matérialisme, la socialisation ou la nostalgie, la prédiction sera encore plus précise.
Et si vous passiez le test, qu’apprendrions-nous sur vous? Est-ce que vos habitudes de consommation sont totalement chamboulées durant cette période? Puisque la version francophone n’est pas encore créée, on ne pourra répondre à cette question dès maintenant. Je crois que de vous avoir présenté l’esprit de Noël sous cet angle ne pourra faire autrement que de vous amener à observer vos propres comportements de consommation durant la période des fêtes. J’espère que cela ne vous empêchera pas de profiter de moments agréables avec les personnes que vous aimez et de cultiver votre esprit de Noël !
Santé!
Jacinthe Cloutier
Chargée de cours, Sciences de la consommation
Sources :
- Cameron, D. (2010). Les Québécois dépensent le moins à Noël. La Presse. Consulté le 23 novembre 2015 à partir de www.lapresse.ca/actualites/201012/19/014353938lesquebecoisdepensentlemoinsanoel.php
- Clarke, P. (2007). A measure for Christmas spirit. Journal of Consumer Marketing, 23(5), p. 283-291.
- Équipe de rédaction. (2015). Noël : les Québécois dépenseront davantage. Infopresse.com, consulté le 5 novembre 2015 à partir de www.infopresse.com/article/2015/11/4/noel-2015-les-quebecois-depenseront-davantage
- Jolicoeur, M. (2015). Commerce de détails : fermetures et hausse de prix pressenties. Lesaffaires.com, consulté le 28 octobre 2015 à partir de www.lesaffaires.com/blogues/martin-jolicoeur/commerce-de-detail-fermetures-et-hausse-de-prix-pressenties/582757