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Billet février 2022

Le meilleur emballage est-il celui qui n'existe pas ?

Au cours des dernières années, l'emballage est devenu une cible de premier plan pour la vague environnementale, car il est de plus en plus associé à la production des déchets. Ce billet vise ainsi à mettre en lumière l’urgence d’opérer de meilleurs choix d’emballages.


La fermeture des marchés chinois et indien, principaux acheteurs des matières d’emballages recyclables, a complexifié la gestion des déchets d’emballages dans la plupart des pays, dont le Canada. Plusieurs milliers de tonnes de matières invendues s’accumulent dans les centres de tri, ce qui entraîne une multitude d’enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Sans oublier les gobelets à café au bord de la route, les sacs jetables que le vent a soufflés dans la cime des arbres ou encore les bouteilles et les canettes de boissons jetées dans la nature. Ce contexte déjà difficile s’est davantage complexifié à la suite des grands bouleversements causés par la crise sanitaire de Covid-19 à l’échelle de l’industrie de gestion des déchets d’emballages. Par conséquent, l’utilisation de « meilleurs emballages » devient plus que jamais une nécessité immédiate.

D’abord, qu’est-ce qu’un « meilleur emballage » ?

C’est celui qui différencie le produit qu’il contient, le protège, évite son gaspillage, conserve son intégrité et sa qualité durant les opérations de transport, de manutention et d’entreposage, informe le consommateur sur les caractéristiques du produit, le tout en ayant le moindre impact possible sur l’environnement. Le meilleur emballage est loin d'être un simple accessoire, mais plutôt une source potentielle de valeur ajoutée pour l’entreprise, car il remplit plusieurs fonctions d’ordre marketing, technique et logistique. Le meilleur emballage occasionne également des économies de coûts considérables pour l’entreprise qui l’adopte grâce aux choix plus réfléchis en termes de quantité et de qualité des matériaux qui composent ledit emballage.

Est-il facile de mettre en place le « meilleur emballage » ?

Le choix du « meilleur emballage » implique un processus décisionnel complexe où de nombreuses personnes relevant de différentes fonctions organisationnelles sont impliquées (p. ex. fonctions des opérations, marketing, mise en marché, achat) avec des objectifs multiples et des critères décisionnels potentiellement conflictuels et parfois même contradictoires. En l’occurrence, il s’agit de concilier des attributs marketing, techniques, logistiques et environnementaux, le tout au moindre coût possible. Par ailleurs, l’attribut environnemental a tendance à être un critère décisionnel relativement important, mais pas nécessairement prioritaire pour l’ensemble des entreprises 1.
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1 Méthodologie : Ces résultats découlent d’une étude exploratoire qualitative basée sur l’étude du cas d'un important détaillant alimentaire québécois. La collecte de données s’est effectuée par le biais de 34 entrevues semi-structurées avec des répondants clés qui opèrent dans les départements des opérations, de mise en marché, marketing, achats en plus des gestionnaires des points de vente. Un groupe de discussion a été également mené auprès des consommateurs des produits emballés.

Le « meilleur emballage » est-il alors un mythe ou une réalité ?

À la lumière des exemples susmentionnés et des résultats de notre exploration en profondeur du terrain, le meilleur emballage aurait tendance à exister si et seulement si une série d’actions clés - indépendantes, mais complémentaires - sont combinées, à savoir :

  • Utiliser la juste quantité d’emballage (ni trop ni trop peu) par le biais de l’optimisation de son poids, de sa taille et de son volume ;
  • Penser à la fin de vie de l’emballage dès l’étape de conception (c.-à-d. ne pas attendre que l’emballage soit déchet pour décider quoi en faire) ;
  • Intégrer des matériaux de meilleure qualité issus de ressources renouvelables et pour lesquels le système de recyclage local est jugé performant ; 
  • Orienter le consommateur vers le bon geste de tri en précisant sur l’emballage les informations / les consignes de tri à adopter.

Quelques exemples d’initiatives inspirantes sur la voie du « meilleur emballage »

Une poche de lait moins nocive pour l’environnement. Agropur réduit l'épaisseur de sa poche de lait du format 4 litres de 0,25 millimètre, soit de 0,5 gramme. Le grand défi relevé par l’entreprise a été de préserver la fonctionnalité de l’emballage en termes de conservation du lait et de l’expérience client. Bien que cette légère modification de l’emballage puisse sembler simple, la quantité significative de poches de lait vendues par an amplifie les effets positifs découlant de cette action. Les émissions de gaz à effet de serre ont été réduites de près de 6% et des économies de coûts considérables ont été générées à la suite de la réduction des quantités de matériaux utilisés dans l’emballage.

Quand l’emballage permet de sauver des vies. Nous pouvons obtenir du Coca-Cola n’importe où dans le monde alors qu’en même temps des enfants décèdent en Afrique à cause de la déshydratation. Cette idée a inspiré un travailleur humanitaire britannique en Afrique subsaharienne qui a eu la brillante idée que des médicaments vitaux pour la santé des jeunes enfants pouvaient être transportés avec le Coca-Cola. Pour mettre en pratique cette idée ingénieuse, un nouvel emballage en plastique a été conçu. Celui-ci s'intègre parfaitement dans les emballages d'expédition de Coca-Cola en plus d’être hermétique et résistant aux conditions extrêmes de changements de température et de pression lors des activités de distribution.

Une boîte de chocolat moins emballée, mais toujours aussi attrayante. La Chocolaterie des Pères Trappistes revoit l’emballage de sa boîte de bleuets au chocolat dans le but de limiter le gaspillage tout en continuant d’offrir des produits de qualité. Le défi a été d’améliorer l’impact marketing de l’emballage tout en conservant sa durabilité et la facilité de sa mise en marché sur les tablettes. À la suite de plusieurs tests, la masse de l’emballage a été réduite en maintenant la même quantité de chocolat qu’il contenait auparavant. La fenêtre de plastique et le couvercle de l’emballage initial du produit ont été éliminés. Deux éléments d’emballage sont ainsi conservés au lieu de quatre. Le nouvel emballage a eu plusieurs retombées positives, dont la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’environ 30% et le développement d’une nouvelle image de marque plus compétitive qui attire les consommateurs.

En somme, le meilleur emballage n’est pas un mythe, mais une réalité qui se développerait davantage en combinant les actions concrètes mises en place par les industriels et les gestes de tri des consommateurs en fin de vie des produits. Bref, le meilleur emballage c’est celui qui ne deviendra jamais déchet !
 

Karima Afif

Professeure adjointe
Département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation
Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation

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