Le crédit: parce qu’on en parle jamais assez!
Bonjour à tous!
Lors de mon dernier blogue, en février 2018, je vous parlais de sondages puisqu’il s’agit d’une de mes passions. Toutefois, j’ai plus d’une corde à mon arc. Durant mes études à la maîtrise et au doctorat, j’ai étudié les finances personnelles sous des angles différents tels que la socialisation ou la psychologie du comportement. Mon dernier projet de recherche portait sur l’utilisation du crédit à la consommation chez les étudiants universitaires.
Tout d’abord, l’endettement à la consommation n’inclut pas les dettes d’études ni les prêts hypothécaires. Dans cette étude, le crédit à la consommation incluait les montants dus sur : cartes et marges de crédit, prêt automobile, prêt pour des meubles, prêt pour des appareils électroménagers ou électroniques, prêt personnel bancaire ou chez un prêteur à gage et prêt auprès d’un membre de sa famille, d’un ami ou d’un collègue. J’aimerais aussi préciser le contexte de l’étude, c’est-à-dire les personnes sondées. Mon questionnaire a été distribué sur deux campus d’envergure : Université Laval et Université du Québec à Trois-Rivières. Les étudiants de tous les cycles (baccalauréat, maîtrise, doctorat) ont pu répondre au questionnaire.
Pourquoi s’intéresser aux étudiants des 2e et 3e cycles universitaires?
Dans les études que j’avais consultées a priori portant sur l’endettement des étudiants, aucune d’entre elles ne s’intéressait à la situation des étudiants à la maîtrise ou au doctorat. Pourtant, ces étudiants sont tout aussi à risque de développer des problèmes d’endettement. Pour quelques-uns d’entre eux, il s’agit d’un retour aux études, ce qui peut imEpliquer une baisse de revenu si la personne délaisse son emploi. Dans l’échantillon recueilli, près du tiers des étudiants des cycles supérieurs a déclaré n’avoir aucun emploi au cours de leurs études. Ce qui est plus élevé que chez les étudiants de premier cycle où près du quart a déclaré être dans la même situation. De plus, puisque les étudiants des cycles supérieurs sont plus avancés en âge, ils sont plus nombreux qu’au premier cycle à avoir des obligations financières plus importantes (enfants, propriété, etc.). Ainsi, on peut supposer que les étudiants des cycles supérieurs (maîtrise, doctorat) peuvent eux aussi avoir des problèmes d’endettement.
Êtes-vous curieux de connaître les résultats?
La bonne nouvelle, c’est que la situation n’est pas aussi problématique que ce que j’avais supposé lorsque j’avais entrepris ce projet. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas la grande majorité des étudiants qui ont des dettes. Dans l’échantillon d’étudiants que j’ai recueilli, 41% des étudiants de premier cycle et 36% des étudiants aux cycles supérieurs ont rapporté n’avoir aucune dette à la consommation (Cloutier, 2018). Sur ce point, je suis très optimiste pour l’avenir financier de ces personnes. Toutefois, d’autres étudiants ont rapporté une situation d’endettement plus préoccupante. Près du quart des étudiants de premier cycle et un peu moins que le tiers des étudiants de deuxième et troisième cycles ont rapporté avoir plus de 10 000 $ de dettes à la consommation (Cloutier, 2018). Je rappelle que les prêts étudiants et hypothécaires ne sont pas inclus dans ce montant. Sachant que ce type de dettes s’accompagne d’un taux d’intérêt relativement élevé (pensons aux cartes de crédit dont le taux d’intérêt avoisine les 20%), on ne peut que s’inquiéter de la capacité des personnes à rembourser leurs dettes.
Quelles sont les bonnes pratiques à promouvoir?
Que peut-on conseiller à ces étudiants dans le but de les aider à améliorer leur situation financière? Même si cela semble évident pour certains d’entre vous, il n’en demeure pas moins qu’il est toujours bon de se rafraîchir la mémoire. Je crois que je n’ai pas besoin de vous rappeler comment il est important de rembourser en entier le solde dû sur une carte de crédit, et ce, à la date d’échéance. En remboursant uniquement le minimum recommandé par l’institution financière, cela vous prendra une éternité à rembourser la totalité, sans parler des frais d’intérêt (qui consiste à jeter de l’argent par les fenêtres!) qui sont astronomiques. Mais saviez-vous que les frais d’intérêt porteront sur le solde total de votre relevé et non sur le solde qu’il vous reste à rembourser? Ainsi, poussons un exemple à l’extrême, sur un solde dû de 2000$, s’il vous reste 1$ à rembourser, l’intérêt sera calculé sur 2000$. Vérifiez bien les conditions de votre carte de crédit, ou encore mieux, rembourser le solde complet!
En plus de bien lire tout contrat de crédit avant de le signer, voici quelques bonnes pratiques à vous remémorer et dont on parle moins. En évitant d’atteindre la limite de crédit autorisée, vous vous assurez de conserver un coussin de sûreté pour des inattendus dispendieux. Bien évidemment, il est recommandé d’avoir de l’argent de côté pour l’équivalent de trois à six mois de salaire pour ces fameuses situations imprévues, mais on ne saurait être trop prudent. De plus, le fait d’atteindre la limite de crédit autorisée implique que les montants dus peuvent être élevés, donc que les frais d’intérêt le seront de même.
Une autre pratique recommandée est d’utiliser la carte de crédit uniquement quand on ne peut pas payer comptant. Certains diront : hé! Je le fais pour accumuler des points bonis. Pour certaines personnes, cela est lucratif, mais pas pour la majorité. Si vous calculez les frais annuels de la carte, les frais d’intérêt et autres frais, êtes-vous réellement gagnants en utilisant la carte alors que vous avez l’argent comptant dans votre compte bancaire? Quelques institutions financières offrent maintenant une option lorsque vous utilisez votre carte de guichet. À chaque utilisation de cette carte, vous pouvez faire virer automatiquement un montant, disons 2$, dans un compte d’épargne. De cette façon, sans grands efforts de votre part, vous accumulerez probablement plus d’argent qu’avec le système de points bonis de votre carte de crédit. Je vous invite à faire les calculs et à comparer.
Une autre manie qui a été observée est celle de dépenser davantage parce qu’on utilise une carte de crédit. D’ailleurs, il semblerait que l’utilisation du paiement mobile (utiliser le téléphone intelligent en tant que mode de paiement) amplifierait les coûts liés à l’utilisation du crédit pour le consommateur (Meyl & Walter, 2018). Dans cette optique, il est donc recommandé de porter attention au prix de ce que l’on achète lorsqu’on utilise le crédit pour payer. Un bon moyen de réfréner ses ardeurs est de se poser la question : En as-tu vraiment besoin? À ce propos, si vous désirez des conseils en matière de consommation, pourquoi ne pas consulter le livre dont le titre est… En as-tu vraiment besoin?
Un dernier conseil dont j’aimerais parler est celui de refuser toutes les sollicitations de crédit. Je pense aux personnes se tenant derrière un kiosque pour promouvoir les cartes de crédit. Ou encore, je pense aux lettres de nos institutions financières qui nous annoncent à quel point nous sommes chanceux d’avoir été pré approuvés pour une augmentation de notre limite de crédit. Ce type de sollicitation m’enrage au plus haut point. C’est à nous de dire NON! et de demander que s’arrête cette pratique qui devrait être considérée comme étant illégale.
Que faire de ces sollicitations?
Jeter la lettre au recyclage (après l’avoir déchiquetée pour effacer nos renseignements personnels bien sûr!) est une façon de refuser. Mais pourquoi ne pas prendre la peine de les appeler pour leur demander d’arrêter cette sollicitation? Pourquoi ne pas leur demander de NOUS laisser la liberté de les approcher si nous avons besoin d’une augmentation de crédit? Et pourquoi ne pas prendre le temps de conseiller leurs clients à optimiser leur santé financière plutôt que de les laisser dans la spirale de l’endettement? Ne serait-ce pas une façon de considérer le bien-être de leurs clients? Je demeure convaincue qu’il serait bien plus payant, autant pour ces entreprises que pour la société, d’avoir des personnes dont les finances se portent bien plutôt que des personnes endettées qui ne voient plus le bout du tunnel.
Au final, j’ai présenté plusieurs conseils pour faire en sorte que chaque personne se responsabilise et prenne en mains la gestion de ses finances personnelles. Les conseils octroyés portent plus précisément sur les comportements à privilégier pour éviter ou diminuer son endettement. Toutefois, je crois que la responsabilité se partage à plusieurs. Que ce soit les parents auprès de leurs enfants, les instances gouvernementales auprès de leurs citoyens ou même nos amis qui peuvent être de bonne ou de mauvaise influence selon le cas, je suis persuadée qu’il y a moyen de faire en sorte de diminuer l’endettement qui peut avoir des conséquences aussi grave qu’une déclaration de faillite, de l’anxiété et même un suicide.
Jacinthe Cloutier
Professeure adjointe en sciences de la consommation
Cloutier, J. (2018). Facteurs influençant l'adoption de comportements sains en matière de crédit à la consommation chez les étudiants universitaires : une application de la théorie du comportement planifié. Thèse. Trois-Rivières, Université du Québec à Trois-Rivières, 276 p.
Meyll, T., & Walter, A. (2018). Tapping and waving to debt: Mobile payments and credit card behavior. Finance Research Letters. https://doi.org/10.1016/j.frl.2018.06.009