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Billet janvier 2025

La déconsommation ou la volonté de moins (et mieux) consommer

Après la popularisation des termes « simplicité volontaire », « sobriété économique », « minimalisme » et « frugalisme » (pour ne nommer que ceux-ci), le terme « Déconsommation » a fait son entrée dans l’édition 2022 du Petit Robert. Il s’agit de la « tendance à consommer moins, à réduire sa consommation ». Cela ne signifie donc pas de ne plus consommer, mais bien de moins (et mieux) consommer.

Je suis spécialiste de la consommation et… « déconsommatrice ». Bon, ce mot ne fait pas encore partie officiellement du dictionnaire (Allo Larousse? Petit Robert? Je vous promets, je ne chargerai pas de droit d’auteur!), alors disons plutôt que je prône la déconsommation. Cela ne veut pas dire pour autant que je suis contre la consommation. Au contraire.

Consommer est positif non seulement pour le marché de l’emploi, mais également pour l’économie. Nous contribuons par nos taxes et impôts à payer pour les services publics et les infrastructures qui contribuent à notre bien-être et notre qualité de vie. Avoir un logis confortable, bien manger, lire un livre et pratiquer un sport ne sont que quelques exemples de consommation entraînant aussi des effets « positifs » pour les consommateurs (et à certains égards pour la société aussi). 

Mais, car il y a toujours un mais, la consommation n’est positive que dans la mesure où elle est dosée. Et c’est là où les choses se compliquent. Le rythme effréné auquel nous consommons actuellement n’est pas soutenable, ni pour notre planète, ni pour notre société, ni pour notre bien-être physique, mental ou notre porte-monnaie. Comme nous expose le documentaire « Buy Now : ces marques qui nous manipulent » (2024), disponible depuis peu sur Netflix, nous surproduisons et surconsommons. Les conséquences sont préoccupantes, très préoccupantes. 

Mais comment concilier les aspects positifs et négatifs de la consommation? En tant que professionnels en sciences de la consommation, ne devrions-nous pas encourager les consommateurs à dépenser plus? 

Selon moi, notre rôle est de promouvoir une saine consommation; une consommation responsable pour notre planète, notre société et notre bien-être. 

C’est là où entre en scène mon nouveau mot préféré : la déconsommation. Même si « déconsommateur » n’est pas encore un vrai mot ni « déconsommer » d’ailleurs (du moins pour l’instant!), le terme « déconsommation » lui a fait son entrée dans l’édition 2022 du Petit Robert. 

Selon ce dictionnaire, la déconsommation fait référence à la « tendance à consommer moins, à réduire sa consommation ». Il ne s’agit donc pas de ne plus consommer, mais bien de moins (et mieux) consommer. Qu’est-ce que le cela implique au quotidien? Doit-on devenir végétalienne, zéro déchet, locavore… tout en portant les chapeaux de cuisinière, boulangère, jardinière, couturière… alouette? Rassurons-nous, le ou la consommateur(trice) parfait(e) n’existe pas (ni même le ou la « déconsommateur(trice) » parfait(e)!).

Il ne s’agit donc pas d’aspirer à un modèle de consommation exemplaire comme nous présentent Instagram, TikTok, YouTube et les autres. D’ailleurs, après la popularisation des termes « simplicité volontaire », « sobriété économique », « minimalisme » et « frugalisme » (pour ne nommer que ceux-ci), on a vu apparaître (ou plutôt réapparaître) cet été la sous-consommation sur les médias sociaux (le « underconsumption core »). Cette tendance se veut une invitation virtuelle à réfléchir collectivement sur nos habitudes de consommation afin d’éviter la surconsommation.

Ces « désinfluenceurs » (un autre mot qui n’existe pas encore officiellement), aussi appelés « contre-influenceurs », nous présentent sur leurs comptes personnels les produits qu’ils n’achètent pas et/ou les produits encore utiles, même si moins tendances, qu’ils utilisent depuis des années et qu’ils n’ont pas remplacés. Une tendance nécessaire et inspirante qui contribue à changer notre perspective de ce qu’il est « normal » de consommer (ou de ne pas consommer), mais qui peut aussi nous faire sentir coupable si nos habitudes de consommation sont différentes des leurs. 

En effet, la consommation (et la vie!) est faite de compromis. Commencer par de petits changements de nos habitudes peut faire boule de neige au fil du temps. Remettre à plus tard des achats non essentiels pour prioriser nos besoins réels. Réparer ses biens plutôt que de les remplacer. Acheter moins de produits transformés pour se payer plus de fruits et légumes. Planifier ses achats alimentaires pour moins gaspiller. Acheter des articles de seconde main et compléter par des articles neufs de petites compagnies locales. Privilégier les matériaux recyclés et les tissus faits de fibres naturelles telles que le coton, le lin, la soie, le chanvre et le bambou. 

Ainsi, consommer moins, mais mieux, c’est d’essayer de faire des choix judicieux. Pour ce faire, on peut s’inspirer de la règle des 5R de l’activiste Béa Johnson : refuser ce qui ne correspond pas à nos besoins, réduire nos besoins, réutiliser les produits consommés (incluant les emballages ou les restes), recycler et finalement composter (« rot » en anglais).

Bref, être un « déconsommateur » c’est d’acheter ce qui compte vraiment et de résister à nos envies d’achats le reste du temps… Bref, c’est de « déconsommer » pour l’avenir de notre planète, de notre société et des futures générations. Comme ledit écologiste Shelby Orme : « Vous ne pouvez pas faire tout le bien dont le monde a besoin, mais le monde a besoin de tout le bien que vous pouvez faire. » (traduction libre de: “You cannot do all the good that the world needs but the world needs all the good you can do.”).

Alors avant de passer à la caisse la prochaine fois, prenons le temps de se poser la question popularisée le chroniqueur en finances personnelles Pierre-Yves McSween : en as-tu vraiment besoin?

Pour poursuivre notre discussion, retrouvez-moi les vendredis 15h35 pour ma chronique sur la consommation dans l’émission de Guillaume Dumas « C’est encore mieux l’après-midi » sur les ondes de Radio-Canada Québec (106,3). 

Au plaisir et bon temps des fêtes!

 

Maryse Côté-Hamel, Ph.D. 
Professeure en sciences de la consommation et « déconsommatrice »
Département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation

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